François Ozon arrive au Festival International du film de Venise avec son adaptation de “L’Étranger“, roman chef-d’œuvre universel de Albert Camus. Dans cet entretien avec le réalisateur et ses acteurs principaux, Benjamin Voisin et Rebecca Marder, on entre dans le travail d’adaptation et de nouvelle lecture du livre, le troisième romans français plus lu au monde.
Un défi littéraire et philosophique
“L’Étranger” est l’un des romans les plus emblématiques de la littérature française. Réaliser une adaptation cinématographique de cette œuvre est un défi de taille. Ozon confie avoir été irrésistiblement attiré par la complexité de l’écriture de Camus, son mystère et son ambiguïté. La matière à réflexion était immense: comment rendre à l’écran cette philosophie de l’absurde, cette absence de jugement moral, et surtout, cette figure de Meursault ? Selon lui, le livre ne peut s’apprendre ou se comprendre entièrement à travers une interprétation unique. Camus offre un texte qui échappe à toute rationalisation claire, laissant place à diverses interprétations. La volonté du cinéaste était donc de respecter cette ouverture tout en permettant aux spectateurs de mieux saisir la psychologie du personnage principal, notamment sa relation à l’existence et à la mort.
Une œuvre fidèle, mais contemporaine dans sa mise en scène
L’adaptation de François Ozon a été conçue comme une immersion dans l’univers tant littéraire que philosophique de Camus. La scène de la prison, si emblématique, a inspiré le choix du noir et blanc, évoquant à la fois l’époque et la filmographie des années 1940. « Le noir et blanc permet d’aller à l’essentiel, d’éviter toute distraction et d’insister sur la dimension philosophique du récit », explique le réalisateur. Ce choix esthétique n’est pas simplement esthétique. Il traduit une volonté de rendre le passé d’Algérie française, ce “paradis perdu”, comme un souvenir en noir et blanc, à la fois nostalgique et critique. La simplicité de cette mise en scène ambiante sert à renforcer la réflexion sur l’identité, la liberté individuelle et la condition humaine, thématiques chères à Camus.
Un regard neuf sur le personnage de Meursault
Le film dépeint un Meursault à la fois froid et introspectif, évoluant au fil du récit. La double facette de ce personnage y est magnifiquement incarnée. Au début, il apparaît comme une figure distante, impassible face au monde—un homme qui joue le rôle d’un spectateur de sa propre vie. Mais au fil du temps et de sa détention, il s’ouvre à lui-même, révélant une insoupçonnée profondeur. Benjamin Voisin s’est attaché à dépeindre cette transformation, soulignant que la clé pour comprendre Camus est dans cette capacité à osciller entre l’aliénation et la lucidité. La philosophie de Camus de la liberté et de l’acceptation face à l’absurde s’incarne ainsi dans cette métamorphose silencieuse.
Une interprétation qui invite à la réflexion
Le personnage joué par Rebecca Marder incarne une figure de pureté et d’émotion, illustrant le thème de l’amour impossible ou douloureusement sincère. La relation qu’elle entretient avec Meursault met en lumière la distance entre la sensibilité et le dédain de l’existence. Selon elle, aimer dans ce contexte, c’est accepter la souffrance, c’est une forme de courage face à l’indifférence du monde.
Plot
Alger, 1938. Meursault, un employé discret et sans prétention d'une trentaine d'années, assiste aux funérailles de sa mère sans verser une larme. Le lendemain, il entame une liaison sans lendemain avec Marie, une collègue de travail, et reprend rapidement sa routine habituelle. Cependant, sa vie quotidienne est bientôt perturbée par son voisin, Raymond Sintès, qui entraîne Meursault dans ses affaires louches, jusqu'à ce qu'un événement tragique se produise sur une plage, par une journée caniculaire.